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/ École d'urbanisme et d'architecture de paysage

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Décès de Jean Décarie

Jean Décarie (1937-2020), urbaniste et géographe, est décédé le 21 juillet à Montréal. Gérard Beaudet signe un portrait de son parcours, riche et engagé.

Montréalais de naissance et Montréaliste de cœur, Jean Décarie a d’abord étudié en géographie à l’Université de Montréal, même si son premier choix aurait été l’architecture, filière qui lui était inaccessible en raison de son désamour des mathématiques. Les enseignements de Ludger Beauregard, de Michel Phlipponneau et de Philippe Pinchenel, deux piliers de la géographie volontaire à la française, ainsi que l’influence de son comparse Gilles Ritchot, y seront déterminants pour la suite de sa carrière. Intéressé par la formation et la transformation de l’établissement humain, il entreprend, en septembre 1961, une maîtrise en urbanisme à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, qui accueille sa première cohorte d’étudiants. Sa thèse portera sur les villes satellites et leur articulation à une métropole en pleine transformation. Entretemps, il avait participé à la fondation du RIN aux côtés de son ami Pierre Bourgault. Ami qui écrira, à sa suggestion, quatre articles sur les enjeux et défis de l’urbanisme mondial et montréalais parus au début de 1962 dans le magazine Perspectives de La Presse.

En 1965, il se joint à la Société technique d’aménagement régional (Sotar) où il retrouve Claude Lamothe et Richard Bienvenu, deux collègues géographes avec qui il réalise des plans directeurs d’urbanisme et des études en récréotourisme. Le déménagement des bureaux de la firme à Laval l’incite à quitter. En 1970, il accepte une mission avec l’Agence canadienne de développement international (ACDI) au Niger. De retour et après un bref passage à l’ONF, il entre à l’Institut d’urbanisme où il enseignera pendant six ans. C’est dans ce contexte qu’il renoue avec le géographe Gilles Ritchot qui pilotera au Centre de recherche en innovation urbaine (CRIU) une étude sur le patrimoine montréalais. La rencontre de l’un et l’autre à l’été 1976 infléchira de manière durable mon parcours universitaire et professionnel.

En 1978, il troque son statut de professeur pour celui de gentleman farmer. Le retour à la terre sera toutefois de courte durée. À la fin de la décennie, il est engagé dans le projet Archipel à titre de responsable des interfaces ville-eau. Il propose, dans ce qu’il qualifie de « premier véritable projet de planification environnementale au Québec », une vision extrêmement originale et ambitieuse de l’avenir de la confluence. Il y développe notamment le concept de planification concertante et permanente, qu’il appliquera ensuite à plusieurs autres initiatives. À l’abandon du projet en 1983, il passe au projet Parc national de l’archipel, version plus modeste du précédent. L’enthousiasme de Jean n’en est pas moindre.

En deuxième moitié des années 1980, il siège sur le Comité consultatif en environnement (CCE) d’Hydro-Québec, où il est associé à l’élaboration de la politique environnementale de l’entreprise, avant de joindre le Comité des experts en environnement de la Société d’énergie de la Baie-James (SEBJ), où il propose la création d’un parc des Grands ouvrages. Il entre ensuite à la Ville de Montréal où il pilotera, de 1987 à 1991, l’élaboration du Plan de mise en valeur du mont Royal – autre contribution remarquable de Jean −, après quoi il travaillera au projet de réseau vert.

Après sa prise de retraite, il continue à s’impliquer dans de nombreux dossiers – il n’a jamais autant travaillé, soutient-il −, dont ceux pilotés par les Amis de la montagne, Héritage Montréal, le Conseil régional de l’environnement de Montréal, Vélo-Québec ou l’Écomusée de l’Au-Delà. Ce faisant, il reste fidèle à une conception globale du projet urbanistique et aménagiste, comme le montre son association, en 2007, au projet d’un Parc national discontinu de l’archipel des Montérégiennes. Ses nombreuses contributions lui ont valu d’être récipiendaire en 2002 du prix Frederik-Todd, catégorie public, de l’Association des architectes paysagistes du Québec (AAPQ), et en 2003 du prix Blanche-Lemco-van-Ginkel de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ). 

Pour tous ceux et celles qui l’ont côtoyé, Jean Décarie restera un touche-à-tout dont les convictions et l’enthousiasme survivaient à toutes les déconvenues auxquelles les urbanistes et les aménagistes visionnaires sont régulièrement confrontés.

Nos plus sincères condoléances à sa famille.

Gérard Beaudet, un collègue et ami à qui je dois, entre autres, mon premier emploi à la SOTAR. 

Source photo: VIVRE SUR UNE ÎLE - WATER AND THE CITY, Capsule enregistrée dans le cadre de la série de conférences Échanges urbains, offertes par le Musée McCord et Héritage Montréal.